Le 28 septembre prochain, les électeurs suisses seront appelés à se prononcer sur une réforme majeure concernant la fiscalité immobilière : l’abolition de la valeur locative. Ce système, en place depuis plusieurs décennies, a déjà été soumis trois fois au vote populaire mais rejeté à chaque tentative. Cette nouvelle votation introduit toutefois une approche différente, puisqu’elle est liée à l’instauration d’un impôt sur les résidences secondaires.
Qu’est-ce que la valeur locative ?
La valeur locative correspond à un revenu théorique calculé par l’administration fiscale. Elle estime le loyer qu’un propriétaire pourrait obtenir en mettant son logement en location. Cette somme fictive est ensuite ajoutée au revenu imposable, ce qui entraîne le paiement d’impôts sur un montant que le propriétaire ne perçoit pas réellement. Mis en place en 1915 pour renforcer temporairement les finances fédérales, le mécanisme est devenu permanent en 1958 afin de créer un équilibre entre propriétaires et locataires.
Pourquoi certains souhaitent supprimer ce système ?
De nombreux critiques jugent que ce mécanisme pénalise particulièrement les retraités, qui doivent s’acquitter d’impôts sur un revenu hypothétique alors que leurs ressources proviennent souvent de pensions limitées. De plus, cette règle peut rendre difficile le renouvellement d’hypothèques, incitant parfois les personnes âgées à vendre leur bien immobilier. Les propriétaires ayant remboursé leur emprunt sont également désavantagés, puisqu’ils ne bénéficient plus de déductions fiscales liées aux intérêts hypothécaires. Certains observateurs estiment donc que le système favorise l’endettement plutôt que son remboursement.
Une réforme au contenu différent
Contrairement aux tentatives précédentes, le Parlement propose cette fois un compromis. La suppression de la valeur locative irait de pair avec la fin des déductions fiscales liées aux intérêts hypothécaires et aux frais d’entretien. L’idée est de limiter les avantages fiscaux accordés exclusivement aux propriétaires tout en allégeant la charge administrative du système.
Quel lien avec les résidences secondaires ?
La réforme concernerait aussi bien les résidences principales que secondaires. Pour éviter des pertes fiscales significatives dans certains cantons touristiques, le Parlement prévoit la possibilité d’instaurer un impôt spécifique sur les résidences secondaires. C’est précisément cette disposition qui sera soumise au vote. Si elle est rejetée, l’abolition de la valeur locative ne pourra pas entrer en vigueur.
Impact attendu sur les recettes fiscales
L’effet financier de la réforme dépendrait fortement de l’évolution des taux hypothécaires. Selon l’Administration fédérale des contributions, avec un taux moyen actuel de 1,5 %, la Confédération pourrait perdre environ 400 millions de francs par an, tandis que cantons et communes verraient leurs recettes reculer de 1,4 milliard. Si les taux dépassaient 3 %, des rentrées fiscales supplémentaires pourraient apparaître. À l’inverse, un taux proche de 1 % accentuerait les pertes jusqu’à 2,5 milliards.
Qui serait avantagé par ce changement ?
Les personnes ayant déjà entièrement remboursé leur bien, en particulier de nombreux retraités, seraient avantagées par l’abolition. Les nouveaux propriétaires bénéficieraient également d’un régime transitoire avec une déduction forfaitaire initiale. En revanche, ceux qui doivent entreprendre des rénovations risquent d’être désavantagés, ces dépenses n’étant plus déductibles, ce qui pourrait ralentir les investissements dans l’entretien et la modernisation des bâtiments.
Soutien et opposition à la réforme
Les partisans
L’Association suisse des propriétaires défend activement cette mesure, avec le soutien de l’UDC, du PLR, du Centre et de l’Union suisse des arts et métiers (usam). Selon eux, la suppression d’un revenu fictif permettrait de simplifier et de rendre plus équitable la fiscalité, tout en encourageant la réduction progressive des dettes hypothécaires.
Les opposants
Le Parti socialiste et une grande partie de la gauche s’y opposent, estimant que la réforme pourrait transférer la charge fiscale vers les ménages moyens, en raison d’éventuelles hausses d’impôts cantonaux pour compenser les pertes de recettes. Certains cantons, les banques profitant des incitations actuelles à l’endettement, ainsi que le secteur de la construction, craignent également un impact négatif, notamment sur les investissements dans la rénovation énergétique et la modernisation du parc immobilier.
Le vote de septembre sera donc déterminant pour l’avenir de la fiscalité immobilière en Suisse et pourrait marquer un tournant décisif pour les propriétaires comme pour les finances publiques.