Genève instaure une indemnisation systématique des commerçants face à l’essor des grands chantiers urbains

Economie

Contexte genevois et impact local

Au cœur de Genève, la rue de Carouge symbolise un quartier vivant de commerces. Le démarrage d’un vaste chantier — création d’une zone piétonne, réaménagement des rails de tramway et travaux d’assainissement — a modifié le paysage et dévié le tracé du tram. La fin des travaux est envisagée pour 2027, mais leurs effets se font déjà ressentir sur les activités commerciales.

Impact mesuré sur l’activité commerciale

Selon une enquête de la Chambre de commerce et d’industrie, le chiffre d’affaires moyen du commerce de détail a chuté de 34% entre juin et août, les restaurants et cafés affichant une baisse moyenne de 46% et les salons de coiffure ou de beauté enregistrant jusqu’à 48% de moins.

Vécu de commerçants et témoignages

Sylvia Inkei, propriétaire d’une boutique présente depuis vingt ans, a dû fermer son commerce après les travaux. Elle décrit une entrée masquée par les interventions voisines et un manque de flux de clients insuffisant pour les ventes en ligne. Ses 240 mètres carrés restent vides; elle rappelle que certains articles ne se vendent pas nécessairement sur Internet.

En tant qu’indépendante, elle ne peut pas toucher le chômage et demeure incertaine quant à son avenir. Elle précise qu’elle n’a pas encore l’âge de la retraite et souligne l’incertitude actuelle.

Henok Wogayehu, épicier, a ouvert son commerce en janvier, ignorant que le tram serait démarré peu après juste devant sa porte. Depuis le début des travaux, la clientèle manque et les produits se périment; il exprime sa peur pour l’avenir et le fait de ne plus se verser de salaire.

Le dispositif genevois d’indemnisation

Face à plus de 70 projets qui affectent la mobilité et les activités commerciales, le canton s’est engagé à indemniser systématiquement les commerçants touchés par les chantiers, en coordination avec les transports publics, les services industriels et les autorités municipales et cantonales.

Cette approche est présentée comme une première en Suisse: Genève affirme ne pas avoir indemnisé de cette façon lors de travaux d’intérêt public. Selon Marjorie de Chastonay, responsable de l’aménagement et de la mobilité, il s’agit d’un tournant historico-administratif pour les décisions municipales.

Le coût éventuel reste sujet à discussion: certaines estimations évoquent un surcoût d’environ 10% pour les chantiers, ce qui peut peser sur un budget communal déjà sous pression. À moyen terme, Genève prévoit de lancer plusieurs grands projets dans son hypercentre.

Des dispositions concrètes ont été annoncées, dont le déblocage de plus de 3 millions de francs destinés à indemniser les commerçants de la rue de Carouge.

Lausanne et les leçons à tirer

A Lausanne aussi, des mécanismes d’indemnisation existaient déjà, mais les procédures juridiques lourdes ralentissent l’accès. Anne-Lise Noz, présidente des commerçants lausannois, souligne la nécessité de démontrer les nuisances et de solliciter des baisses de loyer; toutefois, celles-ci ne peuvent être demandées qu’au terme du chantier selon certaines interprétations. Face à ce constat, la Ville envisage elle aussi une solution d’indemnisation pour les commerçants lésés par des travaux, dans le courant de l’année prochaine.

Notes et crédits: Sujet TV — Julie Conti; Adaptation web — Miroslav Mares