Érosion du littoral en Normandie : maisons menacées et patrimoine en péril face au recul des falaises

Environnement

À Quiberville-sur-Mer, petite commune nichée sur la Côte d’Albâtre, certains habitants vivent désormais à seulement quelques mètres du vide. Brigitte, installée sur place depuis 2007, observe ce phénomène avec inquiétude : elle confie avoir le sentiment que l’érosion s’accélère. Malgré cette situation, elle garde une forme d’optimisme, mettant en avant l’idée qu’il faut profiter de la vie tant que cela reste possible.

Des habitations directement exposées à la falaise

Selon les estimations du maire Jean-François Bloc, entre 18 et 20 logements pourraient être concernés par le recul de la falaise de craie d’ici vingt à vingt-cinq ans. Le rythme de cette érosion varie grandement : parfois imperceptible pendant plusieurs années, il peut aussi se traduire par un effondrement brutal atteignant plusieurs mètres en une seule fois. En six décennies, la commune aurait ainsi perdu environ 50 à 60 mètres de côte.

Un camping déplacé et des travaux coûteux

Face à ces menaces, certaines infrastructures ont déjà disparu. L’ancien camping municipal, situé autrefois en bord de falaise, avait subi une importante inondation. Il a finalement été démoli en 2022 et reconstruit bien plus à l’intérieur des terres.

Actuellement, d’importants travaux visent à reconnecter la rivière locale avec la mer. Le coût total du chantier atteint environ 9 millions d’euros, soit plus de dix fois le budget annuel de Quiberville-sur-Mer. Cette dépense considérable alimente le débat politique autour du financement de la lutte contre l’érosion côtière.

La question du financement : vers une solidarité nationale ?

Alors que la préparation du budget national 2026 se poursuit, plusieurs élus des communes littorales réclament la création d’un fonds spécifique destiné à l’adaptation des territoires menacés. Jean-François Bloc souligne qu’il serait selon lui difficile de faire peser cette charge uniquement sur les habitants des communes côtières et plaide ainsi pour une prise en charge élargie au niveau national.

Un patrimoine historique en danger à Varengeville-sur-Mer

À une quarantaine de kilomètres de là, un autre site emblématique illustre l’ampleur du phénomène. L’église Saint-Valery de Varengeville-sur-Mer, édifiée au XIe siècle, se situait originellement à près de 800 mètres de la mer. Aujourd’hui, elle n’est plus qu’à quelques dizaines de mètres du bord de la falaise. Le cimetière attenant, où repose notamment le peintre Georges Braque, est lui aussi concerné.

Des projets de sauvegarde abandonnés

Plusieurs scénarios avaient été envisagés pour tenter de sauver l’église, comme la démonter pierre par pierre afin de la reconstruire plus loin, ou encore la déplacer sur rails sur une distance d’un kilomètre. Mais ces hypothèses ont été écartées en raison de leur coût, estimé à plus de 20 millions d’euros, jugé impossible à assumer pour une petite commune.

Une résilience progressive des habitants

Pour certains élus locaux, les habitants de Varengeville-sur-Mer ont fini par accepter l’éventualité de perdre à terme l’édifice religieux. Selon Arnaud Gruet, conseiller municipal, cette résilience face aux événements traduit une forme d’adaptation collective à une évolution naturelle difficile à enrayer.