Des coûts variables selon le type d’assurance et les cliniques
Une enquête de l’émission On en parle sur RTS s’appuie sur des factures transmises par des auditeurs et auditrices, ainsi que sur des chiffres fournis par deux assureurs maladie suisses souhaitant rester anonymes. Elle se concentre sur trois interventions nécessitant une hospitalisation de plusieurs jours: la pose d’une endoprothèse de genou, une prothèse de hanche et le retrait de la vésicule biliaire.
Les données montrent que certains médecins spécialistes indépendants peuvent cumuler des revenus issus à la fois de l’assurance de base et de l’assurance complémentaire. Le constat est le même pour les trois interventions: les patients bénéficiaires d’une assurance complémentaire paient davantage pour la même opération.
Des coûts jusqu’à trois fois supérieurs selon le type d’assurance
Pour réparer une hanche ou un genou avec des prothèses, des interventions qui durent aujourd’hui une à deux heures, certains chirurgiens orthopédistes perçoivent plus de 6 000 francs par opération. C’est environ trois fois plus que ce qu’un patient paye lorsqu’il dispose uniquement d’une assurance de base (LAMAL).
À titre d’exemple, pour la pose d’une prothèse de hanche, le coût total en Suisse est d’environ 15 000 francs avec l’assurance de base. Si le ou la patiente bénéficie d’une assurance complémentaire privée, le coût total approche 28 000 francs en moyenne, soit presque le double.
Certains chirurgiens peuvent réaliser 150 à 300 interventions du même type par an. En facturant trois prothèses de hanche par semaine « en privé », soit 150 par an, ils pourraient atteindre un montant d’un million de francs, voire plus. Il s’agit d’une extrapolation qui concerne des honoraires et non un salaire.
Autre élément notable: ces coûts supplémentaires globaux pour une opération en clinique privée varient fortement selon les cliniques, les assureurs et les cantons, et ils sont presque systématiquement plus élevés à Genève et dans le canton de Vaud que dans le reste de la Suisse.
La plus grande partie du supplément payé par les assurances privées – lorsque le patient est assuré en privé ou semi-privé – concerne les prestations médicales.
Un constat qui n’étonne pas les acteurs du dossier
Baptiste Hürni, avocat au barreau de Neuchâtel et vice-président de l’Organisation suisse des patients et patientes, rappelle qu’il y a quelques années, en 2023 ou 2022, la FINMA avait tiré la sonnette d’alarme: elle craignait des surfacturations systématiques dans l’assurance complémentaire et l’implémentation de nouveaux produits éventuels.
Pour Michel Matter, médecin ophtalmologue, chirurgien et président de l’Association des médecins du canton de Genève, il s’agit de contrats privés où les personnes sont libres de choisir une assurance complémentaire afin d’obtenir le libre choix du médecin et une prise en charge optimale. Il précise que cela ne touche pas à l’assurance de base et n’influence pas les primes générales.
Selon lui, cela fait environ 15 ans que les honoraires des médecins en assurance complémentaire restent les mêmes et que les tarifs ne correspondent pas au « prix du chirurgien »; ceux-ci seraient négociés avec les assureurs depuis lors.
Une médecine à deux vitesses?
Si les médecins sont davantage rémunérés par l’assurance complémentaire que par l’assurance de base, ils pourraient être tentés de privilégier les patients disposant d’une complémentaire.
Ils pourraient aussi être incités à réaliser des interventions non nécessaires sur des patients privés, ce qui aurait un impact sur les coûts pour l’assurance de base.
Les personnes ne possédant que l’assurance de base risquent de devoir attendre leur tour plus longtemps dans les hôpitaux publics, où des voies rapides dites « fast tracks » ou « VIP » existent parfois pour celles et ceux qui peuvent payer une complémentaire privée ou semi-privée.
Michel Matter présente cela comme un libre choix: ceux qui veulent être pris en charge plus rapidement et pouvoir choisir leur médecin paient pour cela. Il illustre son propos par une comparaison sportive: ceux qui souhaitent voir tel match paient pour accéder à une prise en charge rapide.
Sujet radio: Christophe Ungar et Bastien von Wyss. Adaptation web: Myriam Semaani.