Migros célèbre un siècle d’histoire : de l’idée visionnaire de Gottlieb Duttweiler au géant orange de la distribution

Economie

En août 1925, Gottlieb Duttweiler dépose auprès de la préfecture de police de Zurich une demande d’autorisation afin de vendre des denrées alimentaires dans l’espace public. Son objectif : proposer des produits de qualité à des prix réduits, en les distribuant directement à bord de camions-magasins qui sillonnent les quartiers de Zurich. C’est à cette date que la société Migros SA voit officiellement le jour, dotée d’un capital initial de 100’000 francs, de cinq véhicules aménagés et de quelques entrepôts logistiques.

Les débuts innovants de Migros

La jeune entreprise démarre son activité avec seulement six produits phares : du café, du savon, du riz, de la graisse de coco, du sucre et des cornettes. Par rapport aux concurrents de l’époque, Migros se distingue par des conditionnements plus généreux et des prix allant de 10 à 30 % inférieurs. Environ un an plus tard, Duttweiler inaugure le premier magasin fixe, situé dans le quartier industriel de Zurich. Ce bâtiment multifonction regroupe non seulement une surface de vente et des bureaux, mais aussi un garage, un entrepôt ainsi qu’un centre d’emballage situé au sous-sol. Le jour de l’ouverture, l’assortiment propose déjà 48 références, dont des fruits frais et des pommes de terre, qui n’étaient pas disponibles dans les camions.

L’expansion en Suisse romande

En 1932, Migros Berne implante à Neuchâtel le premier magasin de Suisse romande. Ce point de vente reste approvisionné exclusivement par Berne jusqu’en 1949, malgré la création en 1941 de la Société coopérative Migros de Neuchâtel, qui couvre également le canton de Fribourg. Rapidement, de nouveaux magasins voient le jour, notamment à Sugiez (FR) ouvert par Migros Berne, et à Bulle (FR), établi par Migros Vaud. Craignant que leur centre de distribution local ne soit insuffisamment utilisé, les coopérateurs neuchâtelois sollicitent alors la médiation de la Fédération des coopératives Migros. Les discussions durent plus d’un an, mais aucun document ne permet aujourd’hui d’en connaître l’issue. À l’heure actuelle, le magasin de Sugiez a fermé ses portes et Bulle appartient à la zone desservie par la coopérative Neuchâtel-Fribourg.

Le développement industriel : conserves et production

En 1945, Migros rachète une conserverie à Bischofszell, dans le canton de Thurgovie. Grâce à des investissements dans la modernisation, la capacité de production augmente progressivement. Devant une demande croissante après la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise ouvre en 1956 un second site en Suisse romande, Conserves Estavayer SA, basé dans le canton de Fribourg. Cette double implantation permet de répondre durablement à la forte consommation de conserves qui caractérise l’époque.

Adaptations stratégiques et nouvelles offres

En 1996, soit moins de dix ans avant l’arrivée d’enseignes discount comme Aldi et Lidl en Suisse, Migros lance la gamme M-Budget. Cette ligne de produits du quotidien, pensée pour les ménages aux revenus modestes ou les familles nombreuses, complète l’offre déjà diversifiée du groupe. L’initiative marque une étape importante dans la politique de prix de Migros.

La question de l’alcool : un tabou confirmé

En 2022, le groupe entame une vaste consultation interne portant sur la possibilité de lever l’interdiction de vente d’alcool dans ses supermarchés, une règle inscrite à l’origine par son fondateur dans les statuts. Les résultats sont clairs : plus de 70 % des coopérateurs se prononcent contre cette modification dans la majorité des coopératives régionales. Si cette interdiction est donc maintenue dans ses magasins, Migros continue cependant de proposer une large sélection de vins, bières et spiritueux à travers sa filiale à bas prix Denner ainsi que via son site de vente en ligne.

De ses premiers camions itinérants aux débats modernes autour de son identité et de ses valeurs, Migros illustre à travers un siècle d’histoire l’évolution du commerce de détail en Suisse.