Napoléon et sa retraite de Russie en 1812 : ce que révèlent les pathogènes historiques

Genève

Une relecture historique et biomédicale de la retraite de Napoléon

À l’hiver 1812, après des combats marquants comme la bataille près de la Bérézina, Napoléon et la Grande Armée rentrent de Russie en proie à l’épuisement. Les soldats, affamés, gelés et blessés, meurent par dizaines de milliers, frappés par une fièvre dont l’origine restait mal connue.

Cette période est aussi associée à la Retraite de Napoléon de Moscou, représentée par le peintre Adolph Northen en 1851.

Découverte paléogénomique et résultats

Des chercheurs de l’Institut Pasteur et d’autres partenaires ont étudié 13 squelettes de soldats exhumés à Vilnius, en Lituanie, en appliquant des techniques d’ADN fragmenté parmi les mieux développées en paléogénomique. Les analyses ont permis d’identifier deux bactéries jusque-là non reconnues parmi les pathogènes de l’époque, dont une appartenant au genre Salmonella. Cette bactérie est associée à une fièvre qui rappelle la fièvre typhoïde et se transmettrait par l’eau et des aliments contaminés.

La seconde bactérie retrouvée est Borrelia recurrentis, transmise par les poux du corps et responsable de la fièvre récurrente. Les chercheurs précisent toutefois qu’il est impossible de déterminer avec précision dans quelle mesure ces agents ont contribué à la mortalité élevée observée lors de la retraite de Russie.

Points de vue historiques et implications scientifiques

Pour l’historien et archéologue Johan Vaucher, doctorant à l’UNIL, cette découverte n’altère pas la grande narration des campagnes napoléoniennes, mais elle apporte une dimension nouvelle en montrant que même un échantillon de 13 corps peut offrir des indications pertinentes sur l’état sanitaire des soldats et sur les conditions vécues à l’époque.

Selon lui, ces résultats illustrent aussi le potentiel d’ouverture des sciences napoléoniennes à des méthodes et technologies modernes, favorisant des approches pluridisciplinaires plutôt que des cadres littéraires traditionnels.

Portée pour la santé publique et les sciences des pathogènes

Au-delà de l’histoire militaire, l’étude nourrit le champ de l’infectiologie en apportant des données sur l’émergence, la dynamique et l’évolution des pathologies anciennes. Comprendre ces trajectoires peut aider à expliquer comment certaines maladies disparaissent et éclairer la compréhension des risques sanitaires futurs et des pandémies potentielles.

Rémi Barbieri, postdoctorant à l’Université de Tartu et ancien de l’Institut Pasteur, souligne que ce type d’études montre comment les recherches sur Napoléon peuvent s’ouvrir à des approches technologiques et scientifiques modernes.