Contexte et cadre politique
En Suisse, la politique alimentaire s’appuie sur une démarche volontaire des acteurs économiques. Une quinzaine d’entreprises ont adhéré à cet engagement, impulsé par le conseiller fédéral Alain Berset après l’exposition de Milan sur l’alimentation en 2015. Le document qui encadre ce dispositif porte le nom Déclaration de Milan.
Table ronde 2021 et objectifs visés
Des documents transmis par l’Office fédéral de la sécurité alimentaire (OSAV) relatifs à une table ronde organisée en 2021 avec les producteurs de boissons rafraîchissantes indiquent que l’objectif initial prévoyait une réduction globale des sucres de 20% dans la branche d’ici 2024. Les industriels ont jugé ce palier irréaliste et craignaient qu’une diminution trop marquée n’incite les consommateurs à privilégier des produits importés. L’accord final prévoit une réduction de 10%, effective en 2024.
Impact sur les boissons consommées par les jeunes et les enfants
Selon le rapport de l’OSAV publié en août 2025, la teneur en sucre des boissons rafraîchissantes a diminué de 13% entre 2021 et 2024, ce qui est présenté comme une avancée vers l’objectif de la Déclaration de Milan.
Cependant, la moyenne masque des écarts importants. Les sous-catégories les plus prisées des jeunes, thé froid et boissons énergisantes, n’ont pas atteint les objectifs: des baisses respectives de 6,9% et 5,5%. Du côté des boissons destinées aux enfants, la teneur en sucres ajoutés demeure plus élevée que dans les produits conventionnels, atteignant parfois jusqu’à 11 grammes de sucre pour 100 millilitres, soit près du double.
Transparence et mode de calcul
Les marques restent anonymisées pour des raisons de secret commercial, selon l’OSAV, même si les indications figurent sur les étiquettes. Les baisses ne sont pas calculées sur le taux de sucre de chaque produit, mais sur une médiane des produits d’une même marque. Concrètement, les entreprises peuvent faire évoluer leur gamme en lançant un produit moins sucré pour compenser un produit plus sucré existant.
Réaction des acteurs et perspective de l’OSAV
Interrogée par On en parle, l’OSAV n’a pas accepté d’interview et a renvoyé vers les producteurs. L’institution précise toutefois par écrit que la médiane permet de réduire l’effet de distorsion lié à quelques produits très sucrés ou très peu sucrés et d’évaluer plus justement l’évolution des gammes.
Santé des enfants et contexte mondial
En septembre 2025, l’UNICEF publiait un rapport faisant état d’une hausse de l’obésité chez les 5-19 ans à l’échelle mondiale. Selon la pédiatre Nathalie Farpour-Lambert, spécialiste de l’obésité infantile et interlocutrice pour l’OMS, l’engagement des industriels dans le cadre de la Déclaration de Milan n’est pas suffisant. Elle rappelle les droits de l’enfant à une nutrition saine et souligne que le commerce des boissons sucrées pèse lourd au niveau mondial, avec un chiffre d’affaires estimé à environ 8 milliards. En Suisse, un enfant sur cinq est en surpoids et 5% souffrent d’obésité, une tendance qui persiste chez les adolescents et les jeunes.
Le rapport de l’OSAV, qui suit la médiane des gammes, ne surprend pas cette spécialiste: selon elle, la médiane peut masquer l’absence de changement et rendre plus difficile l’appréciation des progrès réels pour la population visée.
L’OSAV précise par écrit que la réduction volontaire de la teneur en sucre atteindra tôt ou tard ses limites et que le Département fédéral de l’Intérieur réfléchit déjà à un concept pour succéder à la Déclaration de Milan.
Perspectives
Face à ces constats, les autorités et les acteurs du secteur explorent des pistes de remplacement de la Déclaration de Milan et envisagent des mesures complémentaires pour concilier santé publique et activité économique.