Contexte et positions autour de la hausse salariale
Le syndicat UNIA réclame une hausse générale des salaires entre 2% et 2,5% pour l’année prochaine, arguant que les crises récentes ont freiné les augmentations alors que l’économie affiche une certaine solidité. Du côté patronal, la prudence prévaut et les employeurs appellent à la retenue.
Arnaud Bürgin, nouveau directeur de la Fédération des entreprises romandes (FER) à Genève, affirme être ouvert au dialogue avec les partenaires sociaux, mais il exclut pour l’instant une hausse générale des salaires. « On vit une période compliquée pour les entreprises, avec peu de visibilité, même à six mois. », précise-t-il, et il estime que l’instant n’est pas propice à une décision uniforme sur les salaires.
Selon Bürgin, la conjoncture est pesante en raison de la pandémie, de la crise énergétique liée au conflit en Ukraine et des droits de douane imposés par les États‑Unis. Il évoque notamment les droits de 39% évoqués par l’administration américaine et leur effet sur l’économie exportatrice, en particulier dans l’Arc jurassien où des entreprises, notamment horlogères, envisagent déjà le chômage partiel.
Une approche par branches
Pour le dirigeant de la FER, les négociations salariales devraient se dérouler par branches, conformément à la pratique traditionnelle en Suisse. Seules les branches qui ont bien performé devraient envisager des hausses et engager le dialogue avec les partenaires sociaux.
Écarts salariaux et perception des rémunérations
UNIA met aussi en avant les écarts importants entre les rémunérations des dirigeants et celles des employés, citant des exemples comme celui de Novartis, où le PDG bénéficie d’une rémunération différenciée et où certains éléments sont liés à des objectifs de performance. Bürgin relativise en soulignant que ces fonctions présentent une envergure et des responsabilités particulières et que la rémunération du dirigeant s’inscrit dans un cadre de haut niveau de formation et de gestion d’un grand groupe.
Il rappelle que la plupart des actionnaires des grandes entreprises sont des caisses de pension, donc des actionnaires institutionnels, ce qui, selon lui, peut finir par être favorable au système de retraites.
Débat sur le salaire minimum
Un autre sujet de friction réside dans une loi en discussion à Berne qui pourrait faire primer les conventions collectives nationales sur les salaires minimaux cantonaux, ce qui est déjà le cas à Genève (environ 25 francs par heure). Si cette disposition était adoptée, certains salariés risqueraient de perdre une partie de leurs revenus lorsque les CCT prévoient des conditions moins favorables. Bürgin y voit une règle qui pénalise les entreprises et crée une distorsion de concurrence tout en restreignant les échanges entre partenaires sociaux.
Le débat porte également sur les effets éventuels des salaires minimaux sur les prix et sur le pouvoir d’achat, notamment dans le commerce. Selon le dirigeant de la FER, des planchers élevés pourraient pousser certains Genevois à se rendre en France pour leurs achats.
Impact économique et pistes d’action
Au-delà des questions salariales, la FER met en garde contre la fragilité d’un certain nombre d’entreprises. Beaucoup auraient anticipé des hausses par des stocks envoyés vers les États‑Unis, mais les réserves pourraient arriver à épuisement à partir de janvier 2026, exposant l’économie nationale à des vagues de chômage partiel.
Le Conseil fédéral a pour l’instant privilégié le chômage partiel comme réponse, mais Bürgin soutient qu’il faut aller plus loin. Pour lui, il est nécessaire de poursuivre les négociations avec les États‑Unis, de simplifier les démarches administratives liées à l’export, de créer des guichets uniques et d’aider les entreprises à conquérir de nouveaux marchés afin de préserver l’emploi et les activités économiques.
Propos recueillis par Pietro Bugnon. Texte pour le web: Fabien Grenon.